APA - Escola pública

Associació de Pares d'Alumnes per a l'Ensenyament del Català, a l'escola pública
Association de Parents d'Élèves pour l'Enseignement du Catalan, à l'école publique

APA est une Association de Parents d'Élèves habilitée par l'Inspection Académique

vendredi 29 mars 2013

Bras de fer entre la Bretagne et le Conseil d’Etat sur la charte des langues régionales







Les élus bretons sont mécontents : le gouvernement ne présente pas de projet de loi constitutionnelle permettant de ratifier la Charte européenne des langues régionales depuis que, le 5 mars 2013, le Conseil d’Etat a rendu un avis négatif sur la question. Pourtant, cette ratification fait partie des engagements de campagne de François Hollande. Le point sur la question avec Jean-Jacques Urvoas, député (PS) du Finistère et avec Pierrick Massiot, président (PS) du conseil régional de Bretagne.

Où en est le processus de ratification de la charte européenne des langues régionales, signée par la France le 7 mai 1999 ?

Jean-Jacques Urvoas : C’est une nouvelle embûche. Le président de la République a pris un engagement pendant la campagne électorale, le gouvernement a rédigé un avant-projet de loi constitutionnelle qu’il a soumis au Conseil d’Etat, lequel a rendu un avis négatif que le gouvernement a suivi.

Pour ceux qui soutiennent ce combat, c’est le désarroi. J’ai demandé une copie de l’avis du Conseil d’Etat : il n’y a pas d’argument juridique nouveau depuis septembre 1996. 
Le Conseil d’Etat est constant, il a une vision jacobine de la question et je ne le lui reproche pas car il a été construit comme cela.

Que contenait l’avant-projet de loi constitutionnelle ?


Il proposait d’ajouter à la Constitution un article 53-3 dans le titre VI sur les traités, d’une formulation explicite et sans ambigüité comme « la République peut engager le processus de ratification de la charte des langues régionales ou minoritaires signée le 7 mai 1999, complétée par sa déclaration interprétative ». 
Cet article ferait suite à l’article 53-2 sur la Cour pénale internationale ; ce qui a été possible pour reconnaître la CPI en 1999 doit l’être pour les langues régionales.


Lors de la révision de 2008 et l’introduction d’un article 75-1, on a réussi à mentionner les langues régionales dans la Constitution. Mais ensuite, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a dit que puisque « le français est la langue de la République » (article 2), cet article 75-1 est purement déclaratif et ne crée aucun droit nouveau. 
On doit donc être explicite : si nous voulons ratifier la charte, écrivons-la dans la Constitution !

En quoi les langues régionales sont-elles contraires aux principes républicains ?


Elles ne le sont pas ! Tout repose sur une interprétation du droit par le Conseil d’Etat, qui est extrêmement restrictive et désuète. J’ai une conception plus confiante et plus optimiste de la question. 
L’unicité de la République n’est pas l’uniformité. Pour le Conseil d’Etat, si.


Ensuite, on verra qui a le dernier mot. Le droit doit-il empêcher la volonté politique ? Quand il a pris son engagement de campagne, François Hollande connaissait l’obstacle du Conseil d’Etat qui rabâche la même chose depuis 1996. 
C’est pour cela qu’il faut modifier la Constitution !


Je ne reconnais pas au Conseil d’Etat la compétence pour juger la constitutionnalité d’un texte. Il n’existe pas de principes supra-constitutionnels et si tant est qu’il y en ait, ce n’est pas au Conseil d’Etat d’en décider. 
Son avis est facultatif. C’est donc au gouvernement de s’en émanciper !

Qu’allez-vous faire ?


J’essaie toujours de convaincre le gouvernement de déposer un projet de loi. Si ce n’est pas le cas, il y aura une initiative parlementaire pour modifier la Constitution. 
Nous sommes 21 députés bretons socialistes, nous représentons 12 % du vote socialiste à l’Assemblée et nous ferons cette proposition.



La Bretagne a besoin d’un cadre juridique pour asseoir sa politique linguistique

Dans un courrier du 15 mars [1], Pierrick Massiot, successeur de Jean-Yves Le Drian à la présidence du conseil régional de Bretagne, alerte le Premier ministre des « régressions et même des renoncements » concernant les langues régionales et lui rappelle les promesses de ratification de la charte de 1992 ; il demande aussi de « tout mettre en œuvre en faveur de l’apprentissage des langues régionales dans un contexte politique et juridique viable ».
Interrogé par La Gazette, M. Massiot précise que la ratification « donnerait aux langues de Bretagne, notamment le breton qui est plus répandu que le gallo, un statut comme il en existe dans les pays européens où l’on pratique plusieurs langues. Cette reconnaissance permettrait d’asseoir une politique pour développer le breton sur des territoires où il a toujours été présent. Ainsi, la charte sanctuariserait la politique du développement du breton que nous avons engagée en 2004. »
« Un environnement juridique favorable » - Le soutien financier du conseil régional a doublé, atteignant presque 8 millions d’euros en 2013. Il concerne principalement le financement de l’Office de la langue bretonne, un établissement public de coopération culturelle créé en 2010, dont le conseil régional finance 70 % du budget annuel (1,6 million d’euros).
La région Bretagne soutient également les trois réseaux d’enseignement bilingue (Diwan, Div yezh et Dihun), elle abonde la politique du conseil général du Finistère d’initiation au breton en primaire, elle accorde des bourses aux étudiants se dirigeant vers l’enseignement bilingue. 
« Le breton fait partie des ferments de la culture en Bretagne, explique M. Massiot, c’est le contraire d’un repli ! Fonder le développement intellectuel et culturel des générations sur leur histoire, c’est s’ouvrir au monde, c’est reconnaître que la diversité culturelle est une chance et un atout pour l’avenir. » 
Dans sa « Contribution au débat sur la décentralisation » [2], adoptée en plénière le 23 mars, le conseil régional de Bretagne réclame « un environnement juridique favorable au développement des langues de Bretagne ».

« Nous nous battrons » - « Au nom de l’adaptation de la Constitution à la richesse du territoire français, l’amendement proposé par M. Urvoas devrait vaincre la résistance récurrente du Conseil d’Etat, espère M. Massiot. Nous demandons instamment que soit tenue la promesse du président de la République. Nous sommes aussi légalistes, et nous ne ferons pas sauter de pylônes de télévision comme l’a fait le Front de libération de la Bretagne autrefois. Mais nous nous battrons et nous continuerons, jusqu’à ce que nous y arrivions. Les parlementaires bretons ne cesseront de demander la reconnaissance des langues régionales. C’est un élément du patrimoine culturel français qu’il faut préserver. »